Zones villas Jeudi 11 juin 2015

«Réfléchir à la nouvelle qualité urbaine»

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Pierre Yves Delcourt, président des urbanistes romands, s’exprime sur le potentiel de densification en zone villas

Le Temps: Quel est le potentiel des zones villas pour la densification?

Pierre Yves Delcourt: Il est théoriquement important, mais difficilement mobilisable dans la pratique. Il est plus important dans le cadre de périmètres soumis à des plans spéciaux, en marge ou au cœur des zones villas, que lorsque la densification se produit de manière ponctuelle à l’initiative des propriétaires privés. Les enquêtes publiques nécessaires pour modifier les règles d’urbanisme soulèvent souvent une avalanche d’oppositions. Si l’autorité publique persiste dans sa volonté de densifier la zone villas, elle revoit souvent ses objectifs à la baisse.

– Quels sont pour vous les principaux défis de la densification des zones villas?

– L’injonction de la densification tend à appauvrir la pensée ainsi que les stratégies en matière d’aménagement du territoire. L’opportunité de densifier une zone villas doit s’étudier en fonction de différents critères. Quel est l’état du bâti? Les villas ont-elles une valeur patrimoniale? Dans quelle mesure le quartier existant contribue-t-il à la qualité paysagère, à la biodiversité et à la diversité socio-démographique? Est-ce que les infrastructures routières ont la capacité de faire face à cette densification? La mutation sera-t-elle rapide ou au contraire s’étendra-t-elle sur une longue période de dégradation du tissu bâti? Cela pose la question de la nouvelle qualité urbaine. On voit souvent des projets immobiliers sans qualité particulière à la place de villas qui n’avaient pas toujours de grandes qualités architecturales mais qui avaient le mérite d’être bien intégrées dans leur contexte. La généralisation de ces promotions immobilières peut légitimement susciter quelques inquiétudes.

– Les zones villas auront-elles un jour complètement disparu?

– L’habitat individuel a encore de beaux jours devant lui si les constructeurs savent faire preuve d’innovation et si les acheteurs acceptent les nouvelles conditions. On voit en Allemagne des villas avec des distances aux limites du terrain de 2 à 4 mètres. Les maisons en rangée ou maisons de ville comme on en voit beaucoup en Belgique constituent aussi une bonne alternative à la villa isolée. Dans le futur, la zone villas telle qu’elle existe aujourd’hui à proximité des centres sera sans doute réservée aux classes supérieures. Il n’est pas dit qu’avec la détente du marché du logement, l’augmentation des coûts du transport et la dégradation des conditions de déplacement, on ne voie pas se maintenir une offre abordable de cette forme d’habitat dans les régions périphériques. La ségrégation spatiale à laquelle on assiste depuis quelques années pourrait s’accentuer. A l’avenir, les politiques publiques devraient chercher à juguler cette tendance.

© 2015 Le Temps SA

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